Vive le concert avec Pierre-Etienne Sagnol, compositeur de Phoenix

News | 19.10.2021

Pierre-Etienne, tu connais très bien la scène des orchestres d’harmonie et la Landwehr depuis de nombreuses années.

Au cours de ta carrière, tu as écrit pour les instrumentations les plus diverses. Qu’est-ce qui te fascine dans l’orchestre à vent en particulier et à quoi on doit faire attention lorsqu’on écrit pour ce type de formation ?

Chaque formation, vocale ou instrumentale possède sa ou ses « couleurs », son ou ses « timbres ». Une comparaison avec la peinture me semble bien illustrer ces différences :  

Un artiste peintre qui créerait dans le cadre spécifique du camaïeu, aurait à disposition une seule couleur, le bleu par exemple. Il réaliserait alors son oeuvre en recherchant la subtilité dans toutes sortes d’ambiances avec les multiples nuances de bleus, les différentes textures possibles…

Dans un autre contexte, l’artiste peintre qui aurait une large palette de couleurs à disposition adopterait une démarche créative différente. Il combinerait dans la même démarche les nuances et les textures mais exploiterait également la diversité des couleurs.

Pour moi, créer pour un orchestre d’harmonie m’offre cette polychromie. Il s’agit de composer avec la diversité des couleurs, des « timbres » spécifiques aux bois, cuivres et percussions ainsi qu’avec différents instruments.

J’aime entrer en processus créatif dans un cadre monochrome autant que polychrome, le contexte est différent mais la démarche est tout autant stimulante !

Ces dernières années, tu as à plusieurs reprises intégré des enregistrements sur bande et des sons générés électroniquement dans tes compositions. Qu’est-ce qui te fascine dans ce domaine et quelle est l’intention artistique en lien avec ces sons ?

Dans cette démarche d’intégration d’effets électroniques, électroacoustiques, j’y trouve un « instrument » complémentaire à l’orchestre.

 La bande audio, de par sa nature, peut contenir des bruits, des sons musicaux ou du texte. L’intérêt est de travailler ces éléments, de les transformer, de les rendre méconnaissables au point qu’ils en changent leur sens premier et se fondent dans le jeu orchestral.

Dans Phœnix, la bande audio est présente sans traitement particulier, comme un miroir entre sons originaux et leurs imitations réalisées instrumentalement.

Pourquoi le titre de Phoenix Ouverture ? Qu’est-ce qui t’a amené à utiliser le code Morse comme matériel musical ?

« Brûlé par le feu, le phoenix reprend vie dans ses cendres ».

Dans la période complexe que nous traversons, dans l’optique du premier concert annuel public de la Landwehr, j’ai souhaité mettre en perspective cet oiseau mythique qui symbolise la renaissance et l’immortalité. Après les difficultés et les souffrances, on doit savoir en tirer des leçons pour repartir avec élan vers le futur.

Le code Morse m’a depuis longtemps interpellé. En effet, je me souviens de mon père qui, dans sa période militaire de soldat français préparé à la guerre d’Algérie, nous racontait avoir appris le Morse. C’était magique de savoir coder, tout jeune, le mot SOS ( . . . – – – . . . ) puis de comprendre la métaphore du V de Victoire associé pendant la guerre mondiale à la 5e symphonie de Beethoven ( . . . -).

Dans Phœnix, il m’a semblé original de transcrire trois mots en code Morse : Fribourg – Ever – Hope. De ces codes rythmiques obtenus, j’en ai fait des lignes mélodiques puis les ai harmonisées et orchestrées.  

Tu m’as expliqué que tu as écrit Phœnix Overture en un temps relativement court, ce qui l’a rendue d’autant plus intense. Tu travailles souvent comme ça ou c’est différent de composition à composition ? Comment procèdes-tu d’habitude ? Une idée te vient-elle en appuyant sur un bouton ou as-tu une réserve d’idées prêtes à être utilisées ?

Comment viennent les idées est difficile à dire… en tout cas pas en appuyant sur un bouton !

Pour moi, dans un premier temps, c’est plutôt en me documentant, en lisant, en laissant vagabonder mon imagination au piano pendant plusieurs semaines que j’amasse des idées.

Un carnet d’esquisses me permet de noter les éléments qui me semblent bons, de schématiser la structure de la pièce, de me faire un stock d’ambiances, de mélodies, de rythmes, de progressions harmoniques… La composition est une histoire de patience, d’observation, d’écoute et de ressenti.

Cette période d’accumulation d’idées est essentielle. C’est à partir de ce matériel musical que la pièce pourra être construite, mise en forme. J’aime bien l’image que donnait Abraham Lincoln lorsqu’une tâche conséquente lui était demandée…

 « Vous me donnez six heures pour abattre un arbre, j’en prendrai quatre pour affuter ma scie ! »

Ensuite, tout doit prendre une forme cohérente dans une approche si possible originale. Pour cette période, il me faut travailler très régulièrement et dans « une certaine urgence » de l’échéance…

Pour la première fois cet été, j’ai expérimenté 7 jours isolé dans le Doubs afin de me consacrer uniquement à l’écriture de cette pièce en m’appuyant sur le matériel musical qui m’avait permis « d’aiguiser ma scie ».

J’ai ressenti pour la première fois cette impression étrange où le temps semble s’être arrêté, l’esprit totalement accaparé par l’œuvre en gestation.

Les moments où les idées ne viennent plus, où la source semble tarie m’ont angoissé pendant longtemps. Maintenant, je patiente et je marche… Plus la réflexion est intense, plus il faut savoir prendre du recul et se détendre.

Tout à coup une piste survient, une idée stimulante relance le processus… il s’agit alors de creuser le filon !

L’orchestration finale et la mise en page de la partition sont des moments appréciés. L’œuvre est là et on donne le dernier coup de pinceau, le dernier coup de polish avant de la laisser partir, avec ses forces et ses imperfections dans les mains d’un chef et des musicien-ne-s ainsi qu’aux oreilles du public !

Merci pour votre confiance, bonne écoute

Pierre-Etienne Sagnol ©La Liberté/Alain Wicht

Enseignant primaire, secondaire puis au gymnase, Pierre-Etienne Sagnol a pris dès 2009, la fonction de collaborateur pédagogique pour la musique au Département de l’instruction publique du canton de Fribourg.

Titulaire du Diplom of Advanced Studies en Administration et Gestion d’institutions de formation (FORDIF), Pierre-Etienne Sagnol est depuis 2021, inspecteur scolaire de la Gruyère, arrondissement 7.

Actif dans le milieu de la musique instrumentales, il a été membre de la commission de musique de la SCMF depuis 2003 puis président, de 2013 à 2021.

Actif dans le monde des orchestres à vent comme expert, il a dirigé différents orchestres d’harmonies et brass band: Fanfare de La Joux (1988-1995), Union instrumentale de Fribourg (1995-2005), Ensemble de cuivres Euphonia (2005- 2009), Fanfare du Collège Saint-Michel de Fribourg (2004 – 2021).