La Landwehr largue les amarres

Lu dans la presse | 10.12.2015

Un polar accompagné d’un bon verre de vin: pour Isabelle Ruf-Weber, la recette de la détente est simple. Mais pour l’heure, la Landwehr ne lui laisse pas beaucoup de répit. Deux mille auditeurs sont attendus à la salle Equilibre à Fribourg pour les concerts de ce week-end. Et les projets d’avenir ne manquent pas, avec notamment la Fête fédérale des musiques et un voyage au Costa Rica en ligne de mire pour 2016. Le point avec la directrice lucernoise, à la tête de l’harmonie officielle de l’Etat et de la ville de Fribourg depuis huit ans.

Comment se porte la Landwehr six mois après son sacre à la Fête cantonale des musiques?

Isabelle Ruf-Weber: Nous n’avons pas eu le temps de tomber dans un creux, l’orchestre a directement embrayé sur de nouveaux projets. En automne, nous sommes partis à Rome et avons commencé à préparer l’oeuvre choisie pour la Fête fédérale l’été prochain. Nous continuons donc sur notre lancée. Je suis heureuse que le travail de ces dernières années nous ait menés si loin et qu’il soit reconnu. Après, il ne faut pas oublier que les résultats de la Cantonale étaient extrêmement serrés et que la Concordia aurait tout aussi bien pu l’emporter. A mes yeux, c’est une grande chance de voir deux orchestres d’excellence évoluer côte à côte à Fribourg. Il y a évidemment de la concurrence entre nous, mais elle est saine et nous fait avancer.

C’est de bon augure pour la Fête fédérale de 2016…

Ce serait une erreur d’aller à Montreux en étant convaincu d’en revenir en vainqueur. Je connais ce milieu comme ma poche et me retrouve souvent moi-même du côté du jury. Les bons orchestres sont nombreux en Suisse, certains sont semi-professionnels. Il y a plusieurs prétendants au titre, impossible de livrer un pronostic. A partir de là, nous n’avons pas besoin de nous mettre trop de pression. De toute façon, il s’agit d’une «fête» fédérale, l’enjeu n’est pas seulement de gagner mais d’avoir du plaisir à jouer.

La pièce libre que vous présenterez à Montreux, «Gilgamesh» de Bert Appermont, est déjà au programme ce week-end. Un récit mouvementé ayant pour héros le roi de la cité antique d’Uruk…

Cette symphonie est très belle, mais aussi très exigeante. On aurait pu prendre une oeuvre plus simple et commencer à la travailler au printemps, mais ici, on a besoin de la roder. Après les concerts du week-end, on aura tout le temps de retoucher des détails. Et je suis sûre qu’on ne se lassera pas de cette musique, captivante de bout en bout. Le reste du programme aussi est intéressant à jouer et entraînant pour le public. C’est un petit tour d’horizon des folklores du monde avec des oeuvres comme le «Ranz des vaches», le tango «A fuego lento», «Riverdance» ou les «Variations sur un thème populaire coréen», un grand classique du répertoire d’harmonie.

Autrement dit, un tour d’horizon de vos coups de coeur?

Vous savez, c’est fou ce que cela demande du temps de composer un programme. Et cela ne s’arrange pas avec les années! Mes goûts changent, je découvre de nouvelles pièces et me détourne de ce qui ne me plaît plus. Le choix est de plus en plus vaste. Mais je suis entourée d’une commission musicale qui veille à ce que chaque instrument y trouve son compte.

 

En pensant aussi au jeune public?

Nous avons justement prévu pour mars prochain une coproduction avec des choeurs d’enfants. J’ai un très bon contact avec le compositeur Jan van der Roost, qui m’a confié la première suisse de sa pièce «Il était une fois…», une mise en musique de quatre contes. Au théâtre de Sursee que je dirige, je travaille souvent en partenariat avec des récitants pour amener le jeune public dans les salles. Ce sera notre but à Equilibre et je tiens énormément à ce que tous les membres des familles aient l’occasion de venir voir un orchestre à vent jouer sur scène. Pour le reste, j’aime beaucoup travailler avec les jeunes musiciens et me réjouis de retrouver prochainement l’Harmonie nationale des jeunes. J’ai aussi enseigné à la Haute Ecole de Lucerne. C’est un privilège de faire connaître la musique aux jeunes.

En quoi votre approche de la direction d’orchestre a-t-elle changé au fil des années?

Le perfectionnisme ne m’a pas quittée, je sais ce que je veux et tiens à mes objectifs. Mais je suis devenue plus décontractée et je crois bien que la mentalité romande n’y est pas pour rien! Nous autres Alémaniques sommes peut-être parfois trop carrés, trop corrects. J’ai appris à prendre certaines choses moins personnellement et à avoir plus de recul. Et j’ai découvert les joies du bilinguisme, même s’il me joue parfois des tours. En répétition, il m’arrive de déraper sur des expressions… Ce qui est malheureux pour la langue française, mais très bon pour l’ambiance.

Entre les concerts à Fribourg, les concours et les tournées, la Landwehr exige une grande disponibilité. Comment les 80 musiciens accordent-ils leurs agendas?

C’est une des grandes discussions que nous avons eues pour 2016, où nous enchaînons ce conte musical, la Fête fédérale et un voyage au Costa Rica. C’est un programme très chargé, sans temps morts. Nous avons sondé les membres pour voir s’il leur était possible de se libérer. En fonction de leur situation familiale ou du travail, certains ne s’inscrivent pas à tous les projets, ce que je comprends parfaitement. Mais le simple fait qu’on puisse leur faire cette offre est magnifique.

»Ces voyages sont utiles pour souder les esprits, aller à la rencontre d’autres cultures, se forger une certaine routine et s’adapter facilement à de nouvelles conditions de jeu. La Landwehr est la seule harmonie en Suisse qui a les moyens de se déplacer autant et elle peut être fière d’avoir accès à des salles prestigieuses.