L’art de concevoir un programme musical

Making-of | 08.02.2015

Afin de découvrir comment se concocte le programme musical annuel de la Landwehr et qui s’en charge, la rédaction a contacté Thierry Pochon, responsable des affaires musicales au sein du comité directeur de la société. Celui-ci préside également la commission de musique, à qui incombe justement l’élaboration de cette tâche. Cette commission, composée de neuf membres, dont la directrice musicale Isabelle Ruf-Weber, se réunit plusieurs fois par année. Un tel programme, explique son président, se prépare en fonction de différents axes. Tout d’abord, il faut tenir compte des effectifs des différents registres pour l’année future, des auditions des nouveaux membres ainsi que des renforts souhaitables et possibles. Puis, il s’agit d’étudier la liste des prestations prévues, la Fête cantonale des musiques en 2015 par exemple, ainsi que leurs particularités (en salle, en cantine, à l’extérieur, concert de gala, concert plus divertissant, stand up, etc.) pour pouvoir combiner leurs contenus. Tout un art Le public de la Landwehr, composé d’amateurs, de néophytes et de fins connaisseurs, a diverses attentes souvent difficilement compatibles. Pour que tous passent un bon moment, il s’agit donc de tenir compte de son hétérogénéité en composant un programme riche et varié. Mais il faut encore trouver de nouveaux morceaux, non seulement motivants, mais qui permettent aux musiciens de progresser sur différents plans musicaux. De plus, dans l’idéal, la Landwehr essaye d’être dans les premiers, ou même la seule à jouer telle œuvre ou tel compositeur. Ceci, en tenant compte des limites techniques des différents registres, de la présence ou non de tel instrument ou de la mise en avant d’un musicien, comme lors du concerto pour piano de l’an dernier. Enfin, il faut encore considérer la combinaison des morceaux. A savoir le rapport entre des pièces plus ou moins vives et plus ou moins longues, et leurs places stratégiques telles que l’ouverture et la fermeture du concert notamment. Un programme représente donc un savant exercice d’équilibre qui doit aussi révéler un fil conducteur. «Tout un art», selon Thierry Pochon. La découverte d’autres mondes En pratique, les membres de la commission musicale soumettent des pièces qui sont écoutées, discutées et choisies. Au fil des séances de travail, les choix s’affinent en fonction des programmes et croisement de genres déjà effectués les années précédentes, danse, chant, etc., et selon tous les critères cités ci-dessus. Concrètement, concernant le programme 2013, la plupart des propositions parlaient «d’ailleurs». Ceci a permis de fixer le thème des concerts de gala, l’évasion, l’exploration, la découverte de mondes différents, et a insufflé une sorte d’évidence: le concert va raconter quelque chose. Puis, le choix du clou du spectacle s’est porté, à l’unanimité, sur la pièce AHAB! du compositeur nord américain Stephen Melillo, né en 1957, sur le texte abrégé et traduit, mais non modifié, du roman de Herman Melville «Moby Dick» (1851). Dans cette œuvre, Ahab le capitaine du bateau, le narrateur, intervient en même temps que les musiciens. Il fallait donc chercher une voix; un homme a la voix grave et qui plus est, capable d’endosser ce rôle. C’est Jean Godel, voir interview page 14, comédien, chanteur et journaliste qui a été élu… Symbiose entre récit et musique Jean Godel a dû prendre connaissance de l’œuvre musicale et s’approprier le texte. Puis, il a dû indiquer les passages où il aurait besoin de temps et ceux où la musique pourrait avancer. «Nous voulions mettre texte et musique en avant, en symbiose», détaille Thierry Pochon. Il souligne que l’œuvre a immédiatement pris forme et dégagé de belles émotions grâce à la rencontre positive entre le comédien et la cheffe. Il adresse d’ailleurs à cette dernière un coup de chapeau: de langue allemande, elle devait coordonner un texte en français avec la musique au moyen d’indications en anglais. Pour terminer, il rend également hommage aux techniciens d’Equilibre, la salle de spectacle de Fribourg, qui se sont remarquablement occupés des effets sonores (vagues, tonnerre) et visuels (éclairs, «Dieu»), ce qui a donné, dit-il, une dimension plus profonde encore à l’ensemble. Notons enfin que la pièce est visible et audible sur Youtube en tapant les mots Ahab, et bien sûr aussi sur www.landwehr.ch.

Foto: Laurette Heim